Agrandir l'image, fenêtre modale

RENCONTRE AVEC...

Arthur Perole pour "Tendre Carcasse"

Arthur Perole, chorégraphe, présente "Tendre carcasse", une pièce où gravité et légèreté se mêlent pour interroger sur le rapport complexe et ambivalent que nous entretenons à notre corps.

Publié le

Propos recueillis par Claudine Colozzi, Coups d'Œil 

Arthur Perole : « Je voulais raconter cette petite voix intérieure qui ne s’arrête jamais et qui peut vous étouffer »

Le chorégraphe présente Tendre carcasse […], une pièce où gravité et légèreté se mêlent pour interroger sur le rapport complexe et ambivalent que nous entretenons à notre corps.

Comment est venue l’idée de la pièce ?
Arthur Perole : Tendre carcasse est née dans la continuité d’un travail entrepris avec des collégiens à Draguignan (Var) de 2019 à 2021 pour la série documentaire RÊVES, coréalisée avec Pascal Catheland. J’avais collecté beaucoup de paroles intimes. Le dernier épisode parle notamment du corps qui grandit, se modifie à l’époque de l’adolescence. Quand j’étais dans l’enceinte du collège, j’ai retrouvé mon corps d’adolescent et j’ai senti remonter à la surface des souvenirs douloureux, surtout quand on est un jeune homme un peu efféminé. Ce flash-back m’a bouleversé.

Cette pièce est aussi liée à mon précédent solo Nos corps vivants où l’intime et l’identité se situaient au cœur de l’écriture chorégraphique et qui parlait déjà beaucoup du dévoilement. J’y ai découvert que se raconter peut créer de la bienveillance et de la compréhension. C’est pourquoi j’ai proposé à ces quatre interprètes d’entreprendre ce même travail. Et je me suis senti capable de les accompagner sur ce chemin.

Vous aviez envie d’une pièce de groupe ? 
Arthur Perole : Oui, après le solo, c’était le bon moment. Chorégraphier pour moi n’est pas forcément quelque chose que j’aime, mais j’en avais besoin. Mais là, au contraire, j’avais envie de transmettre ce que j’avais fait surgir dans le solo, de projeter toutes ces choses sur eux. J’adore cette posture où j‘accompagne les interprètes.
Vous allez arrêter de danser pour ne vous consacrer qu’à la chorégraphie ?

Arthur Perole : C’est déjà un peu ce qui se passe. Je n’accepte plus de nouveaux projets. J’ai trop de respect pour ce que recouvre le fait d’être interprète pour le faire à moitié. Il y a une sorte de don de soi qui est très fort. Bien sûr, ça va me manquer, surtout d’être bousculé. Mais j’ai une façon de travailler très collégiale qui pousse à la remise en question.

Comment avez-vous choisi vos quatre interprètes ?

Arthur Perole : J’avais envie de travailler avec de nouveaux danseurs et danseuses entre 20 et 30 ans. Je trouve que c’est une génération qui porte ce sujet du corps et de l’identité avec beaucoup de bienveillance mais avec aussi beaucoup de liberté. Ça m’intéresse de faire parler la jeunesse. Je voulais aussi des interprètes qui n’étaient pas trop « moulés » par leur formation. Et je dis ça avec beaucoup de respect, car j’ai fait le Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (rires). Je voulais une façon de danser qui leur soit propre. Ce qui a fait leur différence, c’est qu’ils parlaient de leur corps, avec beaucoup d’humour, de dérision et de fantaisie. Je ne voulais absolument pas sombrer dans le pathos. À la fois raconter une mosaïque d’histoires personnelles mais que chacun puisse se projeter. Je voulais que ce soit politique à l’endroit de l’émotion et non à l’endroit de la revendication.

C’est la première fois que les interprètes prennent la parole dans une de vos pièces.

Arthur Perole : Nous sommes partis d’une question : « à quel moment le regard de l’autre a bouleversé à tout jamais votre vision de votre corps ? » Ce regard social influence beaucoup mon travail. Chacun pouvait se livrer en laissant planer le doute sur la véracité des propos.  Je voulais raconter cette petite voix intérieure qui ne s’arrête jamais et qui peut vous étouffer, ces insatisfactions qui nous étreignent. C’est la parole qui a amené les interprètes à se mettre en mouvement. Progressivement, ils ôtent des couches de vêtements comme ils se débarrasseraient  de ce qui les entrave. Au final, plus ils s’assument, plus ils brillent !

Tendre carcasse résonne comme un oxymore. Est-ce difficile de trouver un titre à une pièce ?

Arthur Perole : Tendre carcasse, c’est une promesse. Je voulais évoquer le poids du corps. C’est ce suggère le mot carcasse avec aussi une idée un peu répugnante. Et en même temps, je voulais parler de tendresse. Plus on aime notre corps, plus il nous le rend bien. 

La pièce s’achève sur la chanson Besoin d’amour de France Gall. Entretenez-vous un lien particulier à ce titre ?

Arthur Perole : J’aime énormément la culture populaire. En 2020, pendant le confinement, j’ai participé au projet Au creux de l’oreille initié par Wajdi Mouawad à la Colline – Théâtre national. Nous appelions des personnes pour leur lire des textes. J’ai choisi des chansons d’amour. Une expérience bouleversante. Dire je t’aime à  des inconnus au téléphone, c’était complètement fou. Cela a fait grandir mon intérêt pour la chanson d’amourJe cherche toujours à créer quelque chose de chaleureux avec mes spectacles. Pour les saluts, je réfléchis à toujours trouver des astuces scénographiques un peu différentes. Dans mon esprit, se rendre à un spectacle s’apparente à aller dans un bar. Un moment aussi convivial que de boire un verre entre amis. On rentre dans la salle, on refait le monde, on fait la fête, on se réinvente. 

 

Retrouvez l'interview sur Arthur Perole : « Je voulais raconter cette petite voix intérieure qui ne s'arrête jamais et qui peut vous étouffer » | Coups d'Œil 

 

TENDRE CARCASSE
CieF / Arthur Perole
SAMEDI 17 JANVIER À 20h30
En partenariat avec la Ferme du Buisson, scène nationale – cinéma – centre d’art contemporain
Danse • Durée : 50 min • Dès 13 ans
Tarifs : 15 € / 10 € / 6 € / Pass’PASS (+ d'infos sur les tarifs)